Moyens de défense de la caution et revirement de jurisprudence s'agissant du dirigeant caution qui n'est plus présumé averti

En cas d’ouverture d’une procédure collective, diverses actions permettent aux créanciers, aux cautions ou au débiteur lui-même, par l’intermédiaire des organes de procédure, de rechercher la responsabilité de l’établissement de crédit prêteur en lui reprochant son comportement antérieur à l’ouverture de procédure.

De même, la caution qui se trouve assignée en paiement en vertu de son engagement dispose de nombreux moyens de défense pour faire annuler l'acte de cautionnement ou être déchargé en tout ou partie de son engagement.

Antérieurement à la loi du 26 juillet 2005 relative à la sauvegarde des entreprises (L. n° 2005-845, 26 juillet 2005), il était usuel de rechercher la responsabilité du banquier sur le fondement d’un soutien abusif de crédit à la société en difficulté.

Les banques se montrant alors réticentes dans l'octroi de concours aux entreprises en difficulté, le législateur a décidé d'encadrer plus strictement les conditions d’admission de cette responsabilité du banquier par la loi du 26 juillet 2005 relative à la sauvegarde des entreprises (L. n° 2005-845, 26 juillet 2005). Une ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008 a parachevé l’édifice en prévoyant que la responsabilité du créancier prêteur ne peut être engagée dans le cadre d’une procédure collective pour concours abusif qu’en cas de fraude, d’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou de prise de garantie disproportionnée par rapport au concours consenti.

Un autre cas de responsabilité d’origine prétorienne fondé sur le devoir de mise en garde du banquier est cependant apparu parallèlement. Ce devoir oblige le banquier qui consent un crédit à une personne « non avertie » à se renseigner sur la capacité financière et la situation personnelle de l’emprunteur, et à l’alerter lorsqu’il existe un risque de non-remboursement au regard de ses capacités financières et du risque de surendettement. 

Un tel devoir n’existe pas qu’à l’égard de l’emprunteur « non averti ». Il existe également à l’égard des cautions « non averties » de l’emprunteur lorsqu’il existe un risque de non-remboursement. 

Se pose alors la question de savoir si le dirigeant qui s’est porté caution en garantie de la dette de la société dont il assure la gestion, peut se prévaloir du statut de caution non avertie. A priori, il semble difficile pour un dirigeant d’affirmer qu’il n’est pas averti, notamment au regard des connaissances dont il dispose quant à la situation financière de l’entreprise débitrice et quant à ses compétences présumées. 

La Cour de cassation avait ainsi posé une quasi-présomption selon laquelle le dirigeant devait être qualifié de caution avertie, tout en laissant une mince possibilité au dirigeant caution d’en apporter la preuve contraire.

Par un arrêt du 22 mars 2016, la Cour de cassation a semble-t-il voulu mettre fin à cette présomption. Dans cet arrêt, la caution dirigeante et associée d’une société ayant fait l’objet d’une procédure collective était poursuivie par la banque ayant consenti un crédit-bail au débiteur. Le dirigeant avait alors soulevé la responsabilité de la banque à titre reconventionnel pour manquement à son devoir de mise en garde.

La Haute juridiction a invalidé le raisonnement de la Cour d'appel en jugeant que la qualité de caution avertie ne pouvait se déduire de la seule qualité de dirigeant et associé de la société débitrice principale.

La bienveillance dont la Cour de cassation fait preuve à l’égard des dirigeants d’entreprise offre alors à l’établissement de crédit deux principales possibilités de défense dans le cadre d’une action en responsabilité intentée par la caution pour manquement au devoir de mise en garde : soit la banque prouve qu’elle a bien accomplie son devoir de mise en garde, auquel cas il ne lui sera pas nécessaire de prouver le caractère averti de la caution dirigeante, soit la banque n’a pas accompli son devoir de mise en garde et devra dans ce cas recueillir des éléments permettant de démontrer que la caution était bien avertie, sans se reposer sur les fonctions de gestion qu’occupait cette caution au sein de la société débitrice.

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